Si l’Anatolie que nous venons de voir avec Catal Höyük, était encore une région en prise directe ou à la marge proche des Hautes vallées, nous allons voir aujourd’hui comment s’est produite l’expansion néolithique hors de ce premier berceau proche oriental, et anatolien par extension.
1. Théories sur l’expansion néolithique
Historiquement, dans la recherche sur le Néolithique, deux théories principales se sont opposées concernant le processus même de la diffusion de l’économie néolithique.
Il s’agissait d’une théorie de colonisation développée à partir des observations sur le Néolithique Danubien, et d’une théorie d’acculturation proposée pour le Néolithique méditerranéen et qui découlait en fait des idées concernant un développement autochtone du Néolithique.
On sait aujourd’hui que cette idée d’un développement autochtone, indépendant du Néolithique en Méditerranée occidentale est vraisemblablement fausse. A l’exception peut-être d’une part mineure de certaines espèces autochtones dans la domestication, par des populations déjà néolithiques.
Toutes les indications montrent au contraire la diffusion du Néolithique depuis le Proche Orient jusqu’à l’occident à travers deux grands courants :
- le Courant Danubien qui suit le fleuve Danube vers le Nord-Ouest,
- et le courant méditerranéen qui suit les rivages de la mer en gagnant progressivement vers l’intérieur des terres.
En réalité les processus qui mènent à la néolithisation de ces vastes régions sont sans doute complexes et non uniformes, selon les conditions environnementales tout d’abord, mais aussi selon que la région concernée était ou non densément peuplée, en fonction encore de la réaction de ces éventuelles populations indigènes.
1.1 Les types de processus
Dans les théories, on distingue plusieurs grands types de processus de néolithisation :
D’abord les processus qui supposent un déplacement de personnes :
1a : le processus de colonisation : déplacement volontaire d’un groupe particulier sur de grandes distances et dans un temps court. La culture matérielle est la même dans la région d’origine et dans les lieux colonisés. Les interactions avec les groupes indigènes sont faibles dans un premier temps.
1b : le processus d’expansion démographique : réponse à une pression démographique, il s’agit d’un déplacement progressif dans le temps et dans un espace plus réduit. La culture matérielle évolue en conservant les traditions d’origine. Les interactions avec les populations indigènes sont difficiles à observer.
Ensuite existent des processus de déplacement de techniques ou de biens matériels et d’éléments culturels :
2a : Le processus de diffusion : il s’agit de la diffusion de techniques de proche en proche par des individus, sans déplacement de populations. On observe ce phénomène par l’apparition de traits néolithiques au sein d’ensemble relevant encore du Mésolithique. Il y a donc ici interaction.
2b : les processus d’acculturation : il s’agit d’un processus en plusieurs étapes qui suppose une période d’opposition entre la culture native et la culture « arrivant ». Au bout d’un moment la culture native intègre des éléments de l’autre et se crée une nouvelle culture.
On distingue deux types de processus d’acculturation :
2b1 : l’acculturation imposée : il s’agit d’une interaction négative entre les groupes avec une longue phase d’opposition et dans certains cas l’apparition de phénomènes particuliers (fortifications…)
2b2 : l’acculturation demandée : il s’agit d’une interaction positive avec sélection par la culture native de certains éléments de la culture arrivant… amenant donc à la création d’une nouvelle culture.
Mais, comme je vous l’ai dit tout à l’heure, nous ne sommes sans doute pas face à un modèle unique mais plutôt en face d’autant de schémas que de régions concernées.
1.2 Les modèles des archéologues
A partir de ces grands modèles théoriques, plusieurs théories appliquées à la Néolithisation ont été proposées par plus de chercheurs que je ne saurais en citer dans le cadre de ce cours.
Nous allons quand même mentionner les principaux, qui sont quand même à connaître :
Le modèle de « Push-pull » de D. Anthony :
Derrière le nom du modèle « pousser-tirer » et ce schéma assez illisible, il faut bien le reconnaître, nous trouvons une simple explication du processus de colonisation.
Ce qui pousse un groupe à partir, c’est un stress dans la région d’origine. Une crise économique ou une pression démographique…
Ce qui tire vers l’extérieur, c’est avant tout une attraction vers une autre région (des terres pour l’agriculture, des matières premières…) mais c’est aussi lié, dans ce modèle, à des innovations dans les moyens de transports ainsi qu’à un progrès dans les connaissances géographiques.
Le modèle « Wave-of-advance » (la vague d’avance)
Ce modèle est issu de l’idée que la Néolithisation entraîne une expansion démographique qui stimule la recherche de nouvelles terres de proche en proche.
Il est proposé dès les années 1930 et fait l’objet de nombreuses révisions depuis. Il a été réalisé à partir des dates d’apparitions des céramiques sur les sites des diverses régions.
Des simulations faites à partir des datations radiocarbones des sites à céramique et de spéculations sur la vitesse de progression théorique calculée à partir de l’expansion démographique modélisée mais aussi à partir de données génétiques des populations actuelles permettent de proposer des cartes correspondant presque à des modèles mathématiques qui ont dues être affinées comme ici pour celle d’Ammerman et Cavalli-Sforza.
Ou ici pour le même modèle appliqué au courant danubien par Breunig.
Ce modèle a été abondamment utilisé dans les dernières décennies en y ajoutant fréquemment de nouvelles données. Les données linguistiques par exemple ont été ajoutées par Cavalli-Sforza à sa carte.
En fait ce modèle est maintenant très contesté car reposant sur un postulat délicat : céramique = économie néolithique, nous savons que c’est faux, un faible nombre de datations, et des vitesses de progression à la fois identiques partout sans tenir compte de la topographie des lieux et en même temps très faibles qui pourraient être identiques à la vitesse d’une progression par acculturation. Enfin surtout les composantes mésolithiques et les interactions sont totalement oubliées dans ce modèle simplificateur.
Un autre groupe de modèles concerne les diffusions de techniques et l’acculturation.
Ces modèles font appel à la notion de frontière mise au point par les géographes à la fin du XIXe siècle.
C’est à Alexander que l’on doit, à la fin des années 70, l’application de ces idées à un modèle de néolithisation de l’Europe.
Il distingue deux phases de Néolithisation :
La première est celle des frontières mouvantes qui correspond à l’utilisation d’un territoire pour l’exploitation de ses ressources naturelles.
La seconde est celle de la stabilisation et de l’utilisation des terres pour l’agriculture. Lorsque toutes les terres arables sont mises en cultures, les frontières sont dites stables.
Dans les années 90, A. Gallay reprend ce concept de frontières qui a le mérite de prendre en compte l’existence d’une phase de cohabitation entre les néolithiques et les populations indigènes plutôt que de proposer des schémas en tranches bien nettes avec le Mésolithique suivi du Néolithique.
A. Gallay introduit des notions de niches écologiques dans ce schéma qui permet de considérer la néolithisation de différents secteurs écologiques différents en commençant par les plus propices.
Le moteur de l’évolution des sociétés et de la progression de la néolithisation est alors d’ordre social et politique.
Voilà pour les modèles historiques les plus importants. Voyons maintenant où nous en sommes aujourd’hui…
1.3 L’expansion néolithique aujourd’hui
Tout d’abord, il ne faut pas rêver, la raison, l’origine de l’expansion néolithique depuis le Proche Orient demeure inconnue.
Il peut s’agir de multiples causes : pression démographique, scissions politiques, épidémies, recherche de nouvelles terres ou de nouvelles ressources…
Le progrès des datations radiocarbones permet d’établir un cadre chronologique général.
Le processus de néolithisation du Berceau proche oriental se fait en 4 ou 5000 ans. La Néolithisation de l’Europe en seulement 2000 ans d’un bout à l’autre du continent.
Le schéma des processus de néolithisation aujourd’hui :
L’un des derniers modèles en date, proposé par J. Guilaine, introduit l’idée qu’il ne s’agit pas d’un processus unique, progressif et régulier mais qu’il est composé de diffusions rapides, qu’il marque des pauses correspondant aux cultures qui arrivent aux limites de leur force de diffusion et de leurs possibilités écologiques et structurelles. Il s’agit donc d’une dérive constante par rapport au modèle initial dans le temps et dans l’espace qui contribue en même temps à l’apparition de nouvelles entités culturelles.
A partir de ce modèle, K. Mazurié de Keroualin propose d’envisager la néolithisation de l’Europe en Cinq étapes majeures.
En bas à droite, vous avez les étapes zéros concernant le Proche Orient, l’Anatolie et Chypre.
Concernant l’Europe :
La première étape, entre 6800 et 6100 avant notre ère, correspond à un processus de colonisation.
Les premières implantations en Grèce traduisent l’introduction directe de groupes en provenance du Proche Orient qui apportent des souches d’animaux domestiques et de plantes cultivées dès 6800.
A partir de 6600-6500, c’est une phase de stabilisation associée à l’émergence de la céramique monochrome.
La seconde étape, entre 6100 et 5800, correspond à des processus de colonisation et d’expansion démographique.
Les groupes à céramique peinte qu’on appelle protosesklo et complexe balkano-anatolien progressent vers l’intérieur de la péninsule balkanique, à partir des foyers d’origine au Proche Orient et en Anatolie (processus d’expansion et de colonisation).
En parallèle, dès 6100, la néolithisation du Bassin adriatique est amorcée avec les céramiques à décor imprimé ou complexe impresso. Il s’agit d’un processus de colonisation rapide.
La troisième étape est marquée par deux phénomènes :
- Le développement d’un nouveau complexe dans les Balkans à partir de 5800. Il s’agit des groupes Starcevo, Körös et Cris issus d’une expansion démographique à partir des groupes à céramique peinte.
- Vers 5900-5800, le second phénomène est l’apparition du premier Néolithique en Méditerranée centro-occidentale. Les groupes à céramique impressa et le Cardial témoignent d’un buissonnement culturel issu de la céramique imprimée adriatique par colonisation et par expansion.
La quatrième étape vers 5500 est marquée par un processus d’acculturation qui pourrait engendrer l’émergence de l’autre grand complexe culturel de l’Europe (face aux céramiques imprimées et cardiales méditerranéennes). Il s’agit des céramiques à décors linéaires. Pour ce phénomène, on envisage l’hypothèse d’une part indigène plus ou moins importante, donc une acculturation.
La première diffusion des plus anciennes céramiques linéaires vers le centre de l’Europe entre 5500 et 5300 s’apparente à une diffusion.
En Méditerranée centro-occidentale, les groupes du Cardial récent et de l’Epicardial progressent vers l’intérieur du continent entre 5600 et 5300.
C’est à ce moment que se produit la diffusion de certaines techniques néolithiques vers les populations locales du Mésolithique final.
Les céramiques de la Hoguette et du Limbourg soulignent cette étape de diffusion.
La cinquième étape, entre 5300 et 5000 marque l’acculturation définitive des populations locales dans les régions envisagées avec la stabilisation des techniques agropastorales et une régionalisation qui s’opère par la création d’entités culturelles nouvelles.
La Néolithisation du nord de l’Europe et des îles britanniques se fait postérieurement à cette phase, dans les siècles suivants et à partir des cultures régionales créées dans l’étape 5, elle ne sera réellement achevée que dans le 4e millénaire avant notre ère.
Voici donc résumé et simplifié (si, si, croyez moi…) de la première néolithisation de l’Europe et qui constituera le cadre chronologique et géographique de la suite du cours où nous allons voir un peu plus dans le détail les ensembles culturels qui occupent les différentes régions de l’Europe à cette époque et ce qu’elles vont devenir ensuite entre le 5e et le 3e millénaire.
2. La néolithisation et le Néolithique de Chypre
2.1 Géographie et chronologie
L’île de Chypre se trouve en Méditerranée orientale, non loin finalement des côtes proche orientales et au sud de l’Anatolie.
Alors, comme je vous le dis rituellement maintenant, l’origine du Néolithique demeure méconnue sur l’île de Chypre.
Une certitude, un Néolithique pré-céramique arrive à Chypre, tout constitué, en particulier avec des souches animales et végétales domestiques, et cela en provenance du Proche Orient. Il n’y a aucun doute.
Ce que l’on ne sait pas, c’est précisément d’où viennent les colons qui s’installent sur l’île.
Les comparaisons qui peuvent être faites renvoient directement aux régions du Moyen et du Haut Euphrate.
Entre les deux et particulièrement sur la côte méditerranéenne de la Syrie, aucune fouille de site important, comme ceux que vous avez vu la semaine dernière, n’a été faite et donc il demeure impossible de faire des comparaisons proches.
Vous pouvez localiser sur cette carte les deux sites importants que je vous présenterai pour illustrer la Néolithisation de Chypre :
Il s’agit de Shillourokambos fouillé par l’équipe de J. Guilaine, et de Khirokitia fouillé à plusieurs reprises et pour les dernières par l’équipe d’A. Le Brun. Deux fouilles françaises donc, pour vous rappeler au passage que les archéologues français occupent une place importante dans la recherche sur le Néolithique.
Tout d’abord, je dois vous préciser que si l’île de Chypre est colonisée par des néolithiques venant qu Proche Orient, il ne s’agissait cependant pas d’une île vierge et elle était occuper par des groupes épipaléolithiques vivant de chasse, pêche et collecte et dont le site le plus connu est se trouve dans la péninsule d’Akrotiri.
Pour vous donner un cadre chronologique , j’utiliserai donc celui proposé par J. Guilaine et A. Le Brun lors du dernier colloque sur le Néolithique de Chypre en 2001 :
Le plus ancien néolithique de Chypre, actuellement connu date de la seconde moitié du IXe millénaire et probablement autour de 8400/8300 avant notre ère.
Cette phase très ancienne est illustrée par les sites de Shillourokambos (phase ancienne A) et Milouthkia IA et on l’appelle maintenant « Pré-Céramique ancien ».
Une phase moyenne le « Pré-Céramique moyen » est calée sur le VIIIe millénaire donc entre 8000 et 7000 avant notre ère et elle aussi est essentiellement représentée par le site de Shillourokambos (phase moyenne).
La phase récente ou « Pré-Céramique récent » se place entre 7000 et 5500 avant notre ère. Il est illustré par de nombreux sites sur l’île, mais vous pouvez ne retenir que celui du Caps Andréas Kastros et celui, beaucoup plus important de Khirokitia.
Le site de Khirokitia a donné son nom à une culture qui couvre cette période et dont les prémices commenceraient même dans la phase moyenne, vers 7500 avant notre ère.
A partir de 5500 commence le Néolithique céramique de l’île de Chypre que l’on appelle culture de Sotira et que je ne développerai pas ici, faute de temps.
2.2 Shillourokambos
Voyons maintenant un peu le site de Shillourokambos.
Le site se trouve à 5 km à l’intérieur des terres, sur un plateau très bas, encadré par deux vallons.
La phase ancienne est marquée par la présence d’un habitat qui ressemble bien peu à ce qu’on a pu voir à la même époque au Proche Orient.
Il s’agit de constructions en bois matérialisées par des trous de poteau et des tranchées de fondation de palissades.
Ici vous pouvez voir un système d’enclos curvilignes.
Et ici aussi sous un autre angle, avec des silos creusés dans le substrat.
Ces enclos présentent des portes aménagées.
Un bâtiment de forme triangulaire a été identifié appuyé à l’un des enclos.
Et on connaît aussi des constructions sur poteaux. Probablement un grenier. Et des puits ou citernes.
Toujours dans les phases anciennes un foyer structuré hors de la maison.
La phase moyenne est représentée par une grande fosse, de dimensions importantes qui a livré de très nombreux vestiges. Et par une maison de plan circulaire qui semble apparaître dans cette phase sur le site et qui trouvera de nombreux développements dans les phases suivantes sur toute l’île, nous le verrons à Khirokitia.
Rappelons qu’à la même époque, c’est le plan quadrangulaire qui a finit par se répandre dans presque tout le Proche Orient.
Concernant la culture matérielle.
L’industrie lithique taillée se compose quasi exclusivement de silex, et pour 1 ou 2 % d’obsidienne.
Dans les premiers temps, on utilise un matériau de qualité et d’origine assez distante, un débitage très particulier à partir de nucléus naviformes et on note la confection de coches, racloirs et grattoirs sur éclat mais aussi de pointes de projectiles et de segments de cercle pour armer les faucilles.
Dans la phase moyenne, les mêmes traditions se poursuivent mais on observe un recentrage de l’approvisionnement en silex (gîtes plus proches) et un développement du débitage de lames longues et robustes. Ce sont d’ailleurs les couteaux à moissonner qui remplacent les faucilles armées de petits éléments.
La dernière étape, avec le pré-céramique récent se traduit par une notable simplification des concepts technologiques.
Voici un manche de faucille en os qui date de la phase ancienne et qui devait donc être armé de petits éléments comme les segments de cercle.
Tout au long de la séquence, l’outillage lourd évolue peu.
Il s’agit de percuteurs, de meules, de molettes et de haches polies.
D’une vaisselle de pierre assez épaisse, en calcaire.
Et de mortier comme celui présenté ici.
Des éléments artistiques et symboliques sont aussi présents avec des galets gravés, comme celui-ci mais aussi des statuettes.
Les espèces animales présentes sur le site pendant le Pré-Céramique sont des bœufs, moutons, chèvres, porcs et daims. C'est-à-dire les 4 ongulés domestiques issus de la néolithisation des hautes vallées en Syrie et le daim en plus.
Tous ces animaux, absents de l’île antérieurement sont clairement introduit par l’homme avec la néolithisation.
Le Bœuf n’est en réalité présent que dans la phase la plus ancienne de Shillourokambos puis il disparaît dès 7300 av. de toute l’île pour ne réapparaître qu’aux débuts de l’âge du Bronze, au IIIe millénaire.
La présence du Daim est amusante, car cet animal a bien été introduit sur l’île par l’homme mais n’a jamais été domestiqué. Tout au contraire, il a du être relâché afin d’être chassé. La notion symbolique de la chasse pendant le Néolithique est un élément qui semble important même s’il demeure difficile à appréhender.
L’agriculture est représentée par l’amidonnier (introduit déjà domestique) et peut-être une domestication sur place de l’orge.
Concernant les rites funéraires, non illustrés ici. Le site a livré plusieurs sépultures, généralement individuelles, et une sépulture complexe interprétée comme une sépulture collective.
2.3 Khirokitia
Passons maintenant au site de Khirokitia
Nous sommes donc au VIIe millénaire.
Le site est implanté dans un méandre du fleuve Maroni, à environ 6 km du rivage actuel.
C’est un paysage relativement accidenté au pied de l’extrémité du massif des Troodos.
Le site couvre environ 1,5 hectares sur les pentes d’une petite colline naturellement protégée par le méandre du fleuve.
Le côté de la pente la moins forte a été fermé par un mur d’enceinte. Puis par un second après le débordement du village.
On connaît deux périodes d’occupation principales sur le site. La première, celle qui nous intéresse ici date du Pré-Céramique récent. Puis après un hiatus qui se retrouve sur presque tous les sites de l’île, comme à Shillourokambos, le site est réoccupé au Ve millénaire par la culture de Sotira (au Néolithique céramique donc).
Voici deux vues générales qui permettent d’apprécier l’implantation du site, en même temps que la densité des habitations qui sont généralement agglutinées et séparées seulement de place en place par des ruelles de circulation.
Les deux murs d’enceinte successifs sont réalisés en terre à bâtir et parementé du côté externe par des pierres.
Le village est donc complètement clos mais des passages ont été ménagés dans l’enceinte et sont conçus comme des éléments de contrôle des accès avec double mur, chicane et escaliers.
Les habitations sont constituées de petites unités accolées les unes aux autres de plan circulaire aux parois de terre et de pierres et à toit plat.
Exemple de construction d’un sol de terre aménagé sur un radier de pierre.
La terre est un matériau très important dans ces constructions. Voici un fragment de torchis présentant des empreintes végétales.
Les aménagements sont très nombreux à l’intérieur des habitations.
Pour vous montrer quelques exemples : un foyer bien structuré par un sol dallé. Et une meule en place dans une fosse dallée.
Concernant le mobilier archéologique, cela ne va pas être très différent de ce que nous avons vu à Shillourokambos. Nous sommes toujours au Pré-céramique, mais dans une phase plus récente.
Vous pouvez voir en images, la vaisselle de pierre, l’outillage lithique, l’outillage en os, des restes d’empreintes textiles, des éléments de parure, des galets gravés et des statuettes en pierre.
A Khirokitia, les sépultures sont individuelles, déposées en fosse à l’intérieur de l’habitat, fosse rebouchée et recouverte d’enduit de sol. Les dépôts sont en position contractée, sur le côté droit, et associés à des parures et des objets.
Et voici pour terminer sur ce site, à quoi devait ressembler l’habitat de Khirokitia au Pré-céramique.
Un élément amusant pour finir sur Chypre :
La domestication du chat était traditionnellement placée autour de 2000 avant notre ère et attribuée évidemment à l’Egypte.
Le site de Khirokitia a livré à la fin des années 80, une mandibule de chat dans des niveaux néolithiques datés autour de 6000. Le chat ne faisant pas partie des espèces sauvages présentes sur l’île on en avait conclu à la présence d’un chat apprivoisé nécessairement apporté par les hommes.
La fouille du site de Shillourokambos a livré une sépulture datant de 7500 à 7000 avant notre ère, associant un squelette humain et un squelette de chat (environ 8 mois, taille presque adulte).
La morphologie n’est pas domestique mais correspond au chat sauvage du Proche Orient. Il s’agirait donc d’une bête apprivoisée et non domestiquée et présentant une relation particulière avec un humain.
Notons que sur le site, des niveaux de la même époque livrent des restes de chats consommés.
Cela veut dire que le chat était en voie de domestication, sans doute au Proche Orient, dès le VIIIe millénaire avant notre ère. « si on peut réellement domestiquer un chat… » comme le dit Jean-Denis Vigne, l’un des grands spécialistes de l’archéozoologie du Néolithique et des domaines insulaires au Muséum d’Histoire Naturelle de Paris.
Retenez que la néolithisation de l’île de Chypre demeure un évènement ancien dans l’histoire de l’expansion néolithique et déconnecté de la grande expansion vers l’Europe que nous envisagerons lors des prochains cours. |